
Le saviez-vous ? Une langue peut emprunter autre chose qu’un mot, comme par exemple un suffixe.
Poutinistan, Absurdistan, Ploukistan, Sarkozistan, Macronistan… Ces termes vous évoquent sûrement quelque chose. Le suffixe -istan, qui signifie en persan « le lieu/pays de », a pris en français, probablement en lien avec les guerres d’Afghanistan, un sens péjoratif très expressif avec des connotations de corruption, d’extrémisme et de violence. Les pays en -stan ont décidément mauvaise réputation.
Très expressif, -stan sert le plus souvent à former des constructions lexicales qui ne rentrent pas et ne rentreront pas dans le dictionnaire. Ce suffixe est polémique : il présente un pays sous un jour négatif, en soulignant ses aspects arbitraires, chaotiques, violents. Dans la BD Titeuf, le Foussurlagueulistan désigne la capitale d’un pays lointain en guerre civile. Le Sahel où se multiplient les groupes terroristes serait ainsi entrain de de devenir un Djihadistan.
-Istan peut aussi désigner un milieu fermé dominé par un groupe et sa façon de penser, dans lequel règne l’entre-soi et l’arbitraire: le Macronistan, c’est la classe dirigeante de la France de Macron et tous ses défauts, telle qu’elle est vue par ses détracteurs.
On trouve des traces de ce suffixe dès le vieux-perse sous la forme -sta-na. C’est une forme suffixée de la très ancienne racine indo-européenne *-sta « se tenir debout, établir ». -Stan désigne donc à l’origine l’endroit où on se tient, où on est établi, la station.
La racine -sta est très féconde dans toutes les langues indo-européennes. Citons entre autres : allemand Stadt, anglais Stand, latin Stare (d’où it. stare, esp. estar, fr. être), russe Stojat « se tenir debout », etc.
Le suffixe ـستان –(e)stan est très présent en persan, où il sert à former des noms communs comme Bu-stan « le verger », litt. « le lieu des odeurs », ou Gol-estan « la roseraie ». Il est surtout utilisé pour former des noms de pays ou de région (nom de peuple + -(e)stan) : Arab-estan désigne ainsi l’Arabie Saoudite, Hindu-stan l’Inde. Sa présence dans la toponymie de l’Asie centrale (Kazakhstan, Tadjikistan, etc.), en hindi/urdu, turc, ouzbek, etc. témoigne bien de l’ascendant qu’y a longtemps exercé le persan comme langue de culture islamique.

Laisser un commentaire