#28 Les mots d’origine gauloise en français: des mots de la terre et de l’artisanat

Le latin parlé dans le Centre-Nord de la Gaule, qu’on pourrait appeler le gallo-roman, est devenu le français, et a logiquement gardé des traces de l’ancienne langue gauloise.

En changeant de langue, les populations gardent fréquemment un accent, des tournures syntaxiques et des mots de la langue qu’ils parlaient avant : c’est ce qu’on appelle un substrat linguistique. Il existe un substrat gaulois en français, composés de mots qui sont spécifiques à la France et qui ne sont donc pas hérités dans les autres langues romanes.

Ce qui frappe, c’est l’importance des mots gaulois dans les lexiques de l’agriculture et de la nature. En effet, à l’époque romaine, la vie rurale a été moins romanisée – et plus tard – que la vie urbaine. Le gaulois y a été parlé plus longtemps. Cela explique l’existence d’un substrat lexical gaulois important. Voici quelques exemples – non exhaustifs :

• Agriculture : soc (gaul. *sukkos « truffe de porc », probablement par métaphore « soc »), balle (du blé, d’où déballer)

• Flore : chêne (lat. *cassanus < gaul. *cassanos), bruyère (lat. broccium < gaul. *wroika), if (gaul. *iwos),

• Animaux : chat-huant (lat. cavannus < *cawannos « chouette »), mouton (lat. molto(n) < gaul. *multon « mouton ») , bouc (gaul.*buccos « bouc, bélier »)

• Sol et minéraux : ardoise (gaul. artua « pierre, pavé), marne (gaul. marga « pierre »), caillou (gaul. *caljo) , boue (gaul. *bawa)

• Géographie et organisation du territoire : combe (gaul. cumba, attesté par Isidore de Séville), arpent (gaul. arepennis « champ labouré »), lieue (gaul. leuca « pierre plate [servant de borne]), lande (gaul. *landa)

• Artisanat : bille (de bois, d’où habiller, issu du gaul. *bilia « arbre »), tonne/tonneau (gaul.*tunna « outre » > lat. tonna « récipient »), brasser (gaul. braces « blé blanc », attesté par Pline l’Ancien).

Ce sont aussi des noms appartenant au langage familier : gaillard gaul. *galia- « fort, force »), truand (gaul. *truganto « mendiant), trogne (gaul. *trugna « nez »), ou de l’enfance : bercer/berceau (gaul. *berta- « secouer, porter »), peut-être bave (même étymologie que boue ?). Cela n’est pas étonnant, car la langue ancienne a tendance à survivre plus longtemps dans le cadre intime.

Certains de ces mots sont aussi passés par des langues régionales, auxquelles le français les a empruntés à son tour. Ainsi canton est un emprunt à l’ancien occitan canton « coin », (lat. canthus < gaul. *cantos « cercle ») ; de même ambassade est issu de l’ancien occitan ambaissada (« mission », du gaulois ambactos « serf, client », via le latin ambactus), en passant par l’italien ambasciata ; lauze (gaul. *lausa) est emprunté à l’occitan.

Histoire de mots #28

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