#29 Calques lexicaux du gaulois en français: oui, quatre-vingts, aveugle

Pourquoi disons-nous oui, quatre-vingts, aveugle en français ? Ces mots sont absents des autres langues romanes (cf. italien où on dit sì, ottanta, cieco) et n’existent qu’en français.

Oui, quatre-vingts et aveugle sont à la fois d’origine latine et gauloise : ce sont des calques du gaulois entrés dans le latin parlé en Gaule. On parle de calque lexical, quand au lieu d’emprunter un mot étranger, on en traduit littéralement les différentes composantes. On calque des mots (données < angl. data, presqu’île < lat. paeninsula) ou des expressions entières (l’amour au premier regard < angl. love at the first sight). C’est l’un des procédés les plus courants de création de mots.

Les Gallo-Romains, avec leur accent gaulois, avaient ainsi gardé des phraséologies celtiques quand ils parlaient latin, dont on trouve des traces dans le français actuel.

Pour dire OUI, les Gallo-Romains ne pouvaient faire appel au latin, où il n’y a aucun mot pour oui. On pense donc qu’ils ont calqué en latin la tournure la plus fréquente en celtique : hoc illud [est] « c’est cela » > oïl > oui. Les parlers méridionaux ont préféré la formule plus courte et de sens très proche : hoc [est] « c’est ça », qui a donné òc « oui », d’où la langue d’òc.

On trouve des parallèles dans les autres langues celtiques, où on privilégiait une formule du type « c’est ça » pour exprimer sont approbation. Les étymologies de oui en irlandais (tò « cela ») et en gallois (do « cela ») en témoignent bien.

AVEUGLE n’a pas de correspondant dans les autres langues romanes, où ont été gardés les mots latins hérités : caecus (it. cieco, esp.ciego) ou orbus (occitan orb). Aveugle est issu du latin ab-oculis ([privé]d’yeux], sûrement un calque du gaulois ex-ops, attesté sur des inscriptions. C’est un peu comme si en français on se mettait à remplacer aveugle par « sans-yeux ».

Troisième calque du gaulois dont on a gardé la trace : QUATRE-VINGTS, qui a remplacé (sauf en Belgique et en Suisse) le latin octoginta. Quatre-vingts est issu du gaulois, où on comptait sur une base vingt. Ainsi, pour 80, on ne disait pas 8×10, mais 4×20. C’est ce schéma vigésimal celtique qui explique aussi soixante-dix (3×20+10) et quatre-vingt-dix (4×20+10).

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