

Provençaux s’abstenir ![]()
Le Mont Ventoux et la Sainte-Victoire, deux géants iconiques de la Provence. Leurs noms semblent assez transparents : le premier est le mont « Venteux » (-oux, ça sonne provençal et le Mistral y souffle fort) et le deuxième serait nommé en l’honneur d’une certaine Sainte-Victoire.
Sauf qu’en Provençal le Ventoux s’appelle Ventour et la Sainte-Victoire Venturi. Rien à voir avec le vent et la victoire. Ce sont en fait des noms très anciens de même étymologie, remotivés en latin et en français, pour qu’ils puissent vouloir dire quelque chose – Ventur(i) étant devenu incompréhensible.
Ces deux géants provençaux ont la même étymologie. Deux explications sont proposées :
– une racine pré-celtique *vin- « montagne » + -tur « loin ». Le « Mont Vintur(i) » serait donc « le Mont montagne que l’on voit de loin » – pléonasme qui correspond très bien au Ventoux et bien aussi à la Sainte-Victoire. On retrouve la racine *vin- « montagne » dans de nombreux toponymes en Provence : Vénasque, Venterol, Vence, etc.
– une racine celtique Vent- « lieu de sacrifice » (les Celtes construisaient souvent des sanctuaires sur les sommets des montagne)
Le Mont Ventoux est d’abord attesté en latin dès le IIème siècle sous la forme Vintur. C’est à peu près la forme qu’il garde en provençal. La forme française en revanche remonte au Moyen-Âge : le nom Vintur, incompréhensible, est remotivé en latin en Ventosus « venteux ». C’est ensuite le célèbre poète italien Pétrarque qui en fait l’ascension en 1336 qui popularise ce nom, qui prend en français la forme Ventoux.
La Sainte-Victoire est d’abord attestée en latin sous la forme Venturi. Un Saint Venture était honoré à son sommet, probablement une divinité personnifiant la montagne christianisée. Mais une légende locale, peu fondée, s’est développée à partir du XVIIème siècle, selon laquelle c’était là que le général Marius avait remporté sa célèbre victoire contre les Cimbres et les Teutons. D’où la confusion entre Venture, au sens obscur, et Victoire en français. Le nom Sainte-Victoire s’est fixé après l’édification e 1657 d’une chapelle Notre-Dame de la Victoire au sommet, qui a remplacé l’ancienne chapelle Saint-Venture.
La remotivation de toponymes anciens devenus incompréhensibles est fréquente : cela donne des déformations phonétiques, mais aussi des pléonasmes (Col de Port, Mont Puget, etc.). On aime bien décidément monter en haut du Pic Montagne.
Histoire de mots #32

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