
HAVE. Ce mot, écrit en tessons de mosaïque dans l’atrium d’une maison de Pompéi, m’a posé quelques maux de tête…
Pourquoi ce H- ? Ceux qui ont fait du latin, qui ont lu Astérix (Ave César), qui récitent le chapelet (Ave Maria) savent bien qu’on écrit AVE sans h- …
On interprète traditionnellement AVE comme l’impératif du verbe aveo « désirer », dont sont dérivés avarus et avidus. AVE voudrait dire approximativement « désire », « réjouis-toi » !
Dans ce cas-là, ce h-, qui n’était plus prononcé en latin à l’époque, serait une faute d’orthographe. Ajout d’un h- pour faire grec et chic ? C’est ce que j’expliquais savamment à ma petite sœur.
En fait, l’hypothèse de la faute d’orthographe est peu convaincante. L’orthographe HAVE est très fréquente à l’époque classique, chez Cicéron et d’autres auteurs.
Le rhéteur Quintilien écrit au Ier siècle que HAVE, avec aspiration, est en fait la prononciation normale à son époque, ce qui explique la fréquence de la graphie HAVE ; AVE est une prononciation rare et littéraire.
Cela a amené les étymologistes à postuler que le H est en fait bien étymologique. HAVE serait d’origine sémitique, plus précisément punique (forme de phénicien parlé à Carthage, proche de l’hébreu).
Dans un passage de la pièce de Plaute (IIème siècle av JC) Peonulus litt. « le petit Punique », un personnage parle en punique et salue son interlocuteur avec la formule Avo. On a émis l’hypothèse que cette salutation punique remonterait à la racine sémitique Ḥ-Y-W, qui renvoie à l’idée de vie. En punique, ḤAWE voudrait donc dire quelque chose comme « vis ! ».
Cette racine sémitique est aussi celle qu’on trouve dans l’hébreu chaim « vie » et dans Chava, le nom biblique de Eve.
La thèse d’un emprunt au sémitique est d’autant plus plausible que les mots de salutation sont souvent empruntés : en français on dit Ciao, Hello. En suisse allemand on a Salü. Dans tout le monde musulman, on a des formules qui viennent de l’arabe comme Salâm (persan), etc.
Comment la prononciation et la graphie HAVE ont-elles disparu ? L’aspiration en général s’est perdue dans le latin tardif et les langues qui en sont issues. Enfin, les grammairiens latins expliquaient que AVE étant dérivé de aveo, la seule bonne graphie était AVE.
Histoire de mots #37

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