#46 Stress: un mot au sens très, trop large pour désigner le mal-être contemporain

Dans le vocabulaire contemporain, le stress a une place centrale : c’est notre mal de notre XXIème siècle. C’est aujourd’hui un peu un mot générique – hyperonyme dirait-on en linguistique – pour désigner tous les états d’angoisse, peur, inquiétude, préoccupation, tension, qui traversent nos vies.

En prenant de nouvelles significations, le sens de STRESS a perdu en gravité, s’est affadi. Rappelons qu’à l’origine, STRESS désigne quand même la réaction de l’organisme à un traumatisme.

En se banalisant, STRESS a gagné quelque chose d’euphémistique. Il atténue la gravité des choses. « Être stressé » a quelque chose de moins grave qu’« être angoissé ».

STRESS a des connotations moins lourdes et ne renvoie pas vraiment l’imaginaire de la psychiatrie. Il est pudique. Pas plus qu’un « ça va », il n’indique la réelle gravité de l’état de la personne.

Et du coup (!), STRESS peut être utilisé pour désigner des états très divers. Il peut désigner des états de tension et d’énervement assez superficiels – « arrête de ronger tes ongles, ça me stresse », « le stress d’avant-course » ; mais STRESS peut aussi être utilisé pour désigner des états graves, de vraie détresse psychologique : « Je suis en stress profond », « stress chronique ».

STRESS peut aussi désigner un état d’inquiétude et d’appréhension : le « stress des examens ». « Je suis stressé par ce nouveau travail ». STRESS peut également désigner une peur : « il est stressé par les araignées ». Sans qu’on sache toujours si cela indique une peur passagère ou une véritable phobie.

Et STRESS peut même être positif. Le fameux « stress positif », état d’excitation et d’adrénaline, qui rend plus productif et plus efficace. On est loin de la détresse et du stress post traumatique.

Mais n’est-ce pas un mal de notre époque – et notamment du monde professionnel – que de ne pas savoir désigner précisément, par honte, la détresse psychique ? De la diluer, la minimiser souvent par un emploi trop galvaudé du mot STRESS, sous prétexte d’une positive attitude trop généralisée ? Prenez donc au sérieux votre stress !

HdM #46

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