#60 Pourquoi ‘Après que’ est-il suivi du subjonctif?

Dans mon dernier post (#59), beaucoup de personnes ont réagi, parce que j’indiquais qu’APRES QUE était suivi du subjonctif et non de l’indicatif. Je m’explique et j’explique pourquoi – selon moi. Car oui les fautes aussi ont une grammaire !

Ce que je voulais dire, c’est que généralement dans l’usage des locuteurs du français (de France en tout cas), « après que je sois venu » est beaucoup plus courant qu’« après que je suis venu ». Même si la règle scolaire veut qu’on dise et écrive « après que je suis venu ».

Comme souvent quand l’usage s’écarte autant de la norme, l’explication n’est pas si anodine que ça.

Généralement, pour expliquer APRES QUE + subjonctif, on évoque l’analogie avec AVANT QUE + subjonctif. La langue est logique et tend à régulariser son fonctionnement.

Mais l’explication est aussi à chercher du côté de la conjonction APRES QUE, qui est généralement accompagnée d’un temps composé qui marque l’accompli, l’antériorité par rapport au verbe de la principale à la forme simple correspondante :

• Après qu’il fut arrivé, il écrivit à sa sœur (passé antérieur + passé simple)
• Après qu’il avait travaillé, il rentrait dîner (plus-que-parfait + imparfait)
• Après qu’il a dîné, il se couche (présent + passé composé)

Mais quand le verbe principal est au passé composé : « Après qu’il a écrit sa lettre, il est allé se coucher », hic (!) on a un temps composé à la fois dans la subordonnée et dans la principale.

Cette tournure est étrange, irrégulière au regard du système de la langue qui veut que l’antériorité soit exprimée par la relation entre un temps simple et son temps composé (en subordonnée).

Il semble donc que les locuteurs, guidés par leur inconscient linguistique, évitent la tournure APRES QUE + passé composé, surtout quand la principale est au passé composé. Pour éviter cette tournure et restaurer l’antériorité, ils ont plusieurs solutions :

• Le passé surcomposé (cf. post précédent #59) « après qu’il A EU ECRIT sa lettre, il est venu ». Ici le passé surcomposé recrée de l’antériorité en rajoutant un auxiliaire.

• L’infinitif « après AVOIR ECRIT sa lettre, il est venu »

• La tournure « une fois la lettre ECRITE, il est venu »

• Enfin, le subjonctif « après qu’il AIT ECRIT sa lettre, il est venu ». Le subjonctif passé (même s’il est aussi un temps composé) permet de restaurer une distinction formelle entre le verbe de la principale et celui de la subordonnée.

Comme le passé composé a remplacé le passé simple à l’oral et en grande partie à l’écrit, il est désormais le temps principal de la narration d’événements passés, proches ou lointains. Il n’est plus seulement l’accompli du présent.

APRES QUE est donc utilisé très fréquemment dans un contexte passé où la principale est au passé composé. Et on peut penser que le subjonctif s’est généralisé à partir de ce contexte d’emploi, sans doute le plus fréquent.

Ma conclusion – qui n’engage que moi (je n’ai pas mené de recherche scientifique sur le sujet) – est donc que le développement de la tournure APRES QUE + subjonctif est une réponse à une carence du système verbal français. Quel temps utiliser pour marquer l’antériorité par rapport au passé composé ?

Et vous, qu’en pensez-vous ? Utilisez-vous spontanément le subjonctif passé ou le passé composé ?

Histoire de mots #60

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