Etymologistan

BOUGNAT, ça vous évoque sûrement un Auvergnat un peu rustique. Mais d’où vient le mot ?

Son origine n’est pas clairement établie. Mais ce qui est certain, c’est que BOUGNAT est une sorte de synthèse entre AUVERGNAT et CHARBONNIER.

Selon une hypothèse, il s’agirait d’un mot valise, de charBOnnier et auverGNAT > BOU-GNAT. Ca pourrait aussi être une version tronquée de (char)BOUGNA, l’adaptation de CHARBONNIER dans les patois ou dialectes occitans d’Auvergne. Mais ce mot est peu attesté dans ces parlers.

L’hypothèse selon moi la plus pertinente (et amusante), c’est que BOUGNAT serait en fait un mot pseudo-auvergnat inventé à Paris, une imitation charabia (cf post #62), d’après CHARBONNIER, avec chute de la première syllabe. On lui aurait donné des sonorités soi-disant plus auvergnates en fermant le -o- en -ou-, et par la finale en -gnat, qu’on a dans auverGNAT.

BOUGNAT serait donc un sobriquet forgé à Paris fin XIXème pour désigner les migrants d’Auvergne charbonniers, sobriquet qu’ils se seraient ensuite réappropriés.

Le souci, c’est que tous les Bougnats… n’étaient en fait pas auvergnats. C’est à Paris qu’AUVERGNAT et BOUGNAT ont acquis une acception plus large : ils désignent les Auvergnats (parmi lesquels de nombreux Cantalous), mais aussi les émigrants de la Lozère et de l’Aveyron (notamment Nord-Aveyron).

Ces Bougnats avaient des caractéristiques socio-culturelles communes : ils venaient de terres d’altitude du Massif Central, pauvres, vouées à l’élevage, de langue occitane, en général très catholiques. Des terres de familles nombreuses et d’émigration.

BOUGNAT renvoie aussi à une spécialisation professionnelle. Car à Paris, ces émigrants se spécialisaient dans le rude métier rude de charbonnier, qui consistait à vendre et livrer le charbon dans les immeubles. Ils ouvraient aussi souvent des débits de boissons. « Faire le bougnat » signifiait vendre du charbon et, souvent aussi, ouvrir un débit de boisson.

Avec la fin du charbon et leur enracinement progressif à Paris, les Auvergnats se sont spécialisés dans les brasseries. C’est pour ça que tant de brasseries parisiennes ont des noms du coin : l’Aubrac, le Mauzac, le Plomb du Cantal, etc.

Avec la fin des charbonniers, BOUGNAT a perdu son sens de métier ; il n’est plus retenu que pour désigner l’origine régionale auvergnate – au sens large.

Dans Le bouclier Arverne, les Auvergnats de Goscigny vendent – bizarrement – du charbon et du vin… Car c’est bien les Bougnats de Paris qu’il évoque !

HdM #63