Alors que je courais un marathon il y a quelques jours, j’admirais l’habileté étymologique dont Décathlon a fait preuve en nommant sa gamme d’équipement de running Kiprun (oui, je courais avec un short Kiprun). A première vue, kip-run évoque l’anglais commercial : keep+run « continue de courir ».

Mais Kiprun, c’est aussi et surtout un hommage aux athlètes des hauts plateaux kényans, les grands marathoniens qui occupent les podiums des marathons du monde entier. Kipchoge, Kipyegon, Kipruto, Kiplimo, etc. La majorité porte un nom en Kip-.
Presque tous ces athlètes sont issus du peuple kalenjin (notamment de la tribu Nandi), qui vit sur les hauts plateaux de la vallée du Rift au Kenya et, dans une moindre mesure, en Ouganda. Kalenji, l’autre gamme running de Decathlon, était déjà un hommage marketing à ce peuple de coureurs.

En langue kalenjin donc (langue du groupe nilotique), le préfixe kip- est un classificateur : il indique à l’initial du mot qu’on a affaire à un être de sexe masculin. Pour former des prénoms masculins kalenjin, on ajoute à kip- un deuxième élément nominal qui fait référence à la circonstance de la naissance, à des caractéristiques physiques ou encore à la filiation du bébé.
Ainsi Kip-choge est littéralement « le garçon (né près) de la grange », Kipkoech « le garçon né à l’aube », Kiprotich « le garçon né pendant transhumance ».
Kiprun, c’est donc « l’enfant du Run ». Engendré par le Run ? L’enfant né en courant ? Né près des Runners? Ce n’est pas précisé. Mais c’est tout un programme pour une gamme de running !

Pour les femmes, le préfixe équivalent est chep- ou jep- : Jepkorir « la fille née au crépuscule », Jepchirchir « la fille de la hâte (née après un accouchement rapide) », Chepkoech « la fille née à l’aube ».
Il y a quelques exceptions. Certains hommes portent le préfixe féminin chep-, comme le grand coureur ougandais Cheptegei.
Avec la colonisation et la christianisation, la coutume s’est diffusée de faire précéder le nom kalenjin d’un prénom chrétien, comme pour Eliud Kipchoge.

Selon moi, Décathlon aurait dû nommer de façon distincte sa gamme de running féminin : Cheprun. Car pour un observateur kenyan, il doit sembler incongru qu’une femme porte des habits munis du préfixe masculin par excellence kip-.
Et devinez quoi ? Les deux premiers du marathon portaient un nom en Kip-. Le vainqueur s’appelait même – de façon fort appropriée – « le garçon de la hâte ». Sauriez-vous me donner son nom en kalenjin (en commentaire)?


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