#47 Pourquoi les athlètes kényans s’appellent tous Kip-? Et le flair de Décath’.

Alors que je courais un marathon il y a quelques jours, j’admirais l’habileté étymologique dont Décathlon a fait preuve en nommant sa gamme d’équipement de running Kiprun (oui, je courais avec un short Kiprun). A première vue, kip-run évoque l’anglais commercial : keep+run « continue de courir ».

Mais Kiprun, c’est aussi et surtout un hommage aux athlètes des hauts plateaux kényans, les grands marathoniens qui occupent les podiums des marathons du monde entier. Kipchoge, Kipyegon, Kipruto, Kiplimo, etc. La majorité porte un nom en Kip-.

Presque tous ces athlètes sont issus du peuple kalenjin (notamment de la tribu Nandi), qui vit sur les hauts plateaux de la vallée du Rift au Kenya et, dans une moindre mesure, en Ouganda. Kalenji, l’autre gamme running de Decathlon, était déjà un hommage marketing à ce peuple de coureurs.

En langue kalenjin donc (langue du groupe nilotique), le préfixe kip- est un classificateur : il indique à l’initial du mot qu’on a affaire à un être de sexe masculin. Pour former des prénoms masculins kalenjin, on ajoute à kip- un deuxième élément nominal qui fait référence à la circonstance de la naissance, à des caractéristiques physiques ou encore à la filiation du bébé.

Ainsi Kip-choge est littéralement « le garçon (né près) de la grange », Kipkoech « le garçon né à l’aube », Kiprotich « le garçon né pendant transhumance ».

Kiprun, c’est donc « l’enfant du Run ». Engendré par le Run ? L’enfant né en courant ? Né près des Runners? Ce n’est pas précisé. Mais c’est tout un programme pour une gamme de running !

Pour les femmes, le préfixe équivalent est chep- ou jep- : Jepkorir « la fille née au crépuscule », Jepchirchir « la fille de la hâte (née après un accouchement rapide) », Chepkoech « la fille née à l’aube ».

Il y a quelques exceptions. Certains hommes portent le préfixe féminin chep-, comme le grand coureur ougandais Cheptegei.

Avec la colonisation et la christianisation, la coutume s’est diffusée de faire précéder le nom kalenjin d’un prénom chrétien, comme pour Eliud Kipchoge.

Selon moi, Décathlon aurait dû nommer de façon distincte sa gamme de running féminin : Cheprun. Car pour un observateur kenyan, il doit sembler incongru qu’une femme porte des habits munis du préfixe masculin par excellence kip-.

Et devinez quoi ? Les deux premiers du marathon portaient un nom en Kip-. Le vainqueur s’appelait même – de façon fort appropriée – « le garçon de la hâte ». Sauriez-vous me donner son nom en kalenjin (en commentaire)?

2 réponses à « #47 Pourquoi les athlètes kényans s’appellent tous Kip-? Et le flair de Décath’. »

  1. Avatar de Sarah-Tina
    Sarah-Tina

    Je doute que la féminisation du mot entraîne une meilleure qualité du matériel pour les courreuses. N’oublions pas l’histoire spécifique de la place des femmes dans le sport. Dois-je rappeler qu’elles n’avaient pas le droit de courir plus de 800m (jusqu’en 1960 aux JOs de Rome et le marathon seulement possible en 1984, aux JOs de LA).

    Du coup (!), j’ai un autre hommage en tête. Quelle femme ne rêverait pas de porter une référence au dossard 261 et de remercier une certaine K.V Switzer ou Bobbi Gibb?

    Dans les faits, les courreuses naviguent dans les rayons de Décathlon et vont (par défaut) aussi sur la gamme Kalenji et Domyos, la gamme fitness (fourre-tout) ultra-feminisée… le marketing rappelle quand même une pratique sportive très genrée et tant pis si on galère avec un sac d’hydratation ou une brassière 🤣

    Bref, nous n’avons pas fini de débattre de la tenue de sport des femmes…

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  2. Avatar de inspiringperfectly664d274f03
    inspiringperfectly664d274f03

    Samson Kipchirchir Keiyo (2h12’52″)

    Sur la transmission familiale, les russes ont le même principe avec le suffixe au patronyme Vladimir Vladimirovitch Poutine (Vladimir fils de Vladimir).

    D’autres utilisent désormais le même nom de famille sur plusieurs générations, avec des préfixes qui marquent les noms de famille (fils de, descendant de):

    -les irlandais ont le O’ comme dans Scarlett O’Hara;

    -les écossais le Mc de McArthur.

    Et enfin les suffixes:

    -les arméniens ont le -ian comme dans Charles Aznavourian;

    -les danois ont -sen comme Hans Peter Christiansen, les acteurs Mads Mikkelsen et Vigo Mortensen;

    -les anglo-saxons (enfin anglais) ont -son comme l’athlète Sha’Carri Richardson. Citons aussi la famille juive allemande Mendelssohn.

    Et du coup nous, en français a-t-on (eu) cette trace?

    Sur la féminisation du mot, je doute que celle-ci entraîne une meilleure qualité du matériel pour les courreuses. N’oublions pas l’histoire spécifique de la place des femmes dans le sport. Elles n’avaient pas le droit de courir plus de 800m (jusqu’en 1960 aux JOs de Rome et le marathon seulement possible en 1984, aux JOs de LA). Quelle femme ne rêverait pas de porter une référence au dossard 261 et de remercier une certaine K.V Switzer ou Bobbi Gibb?

    Dans les faits, les courreuses naviguent dans les rayons et vont (par défaut) aussi sur la gamme Kalenji et Domyos, la gamme fitness (fourre-tout) ultra-feminisée… le marketing continue de viser une pratique sportive genrée. Tant pis si on galère avec un sac d’hydratation ou une brassière!

    Bref, nous n’avons pas fini de débattre de la tenue de sport des femmes!

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