Quel homme se cache derrière le pronom « on »?
J’adore le pronom ON. Sa capacité à désigner tout le monde est géniale. Mais savez-vous qui se cache derrière ON ?
Étymologiquement, ON c’est « l’humain, l’homme », du latin HOMO, qui signifie « être humain [masculin surtout] ». ON est une innovation spécifique du français, absente des autres langues romanes. L’utilisation de ON comme pronom semble se faire très tôt. OM est déjà présent en 842 dans les serments de Strasbourg, qui sont considérés comme le premier texte en français :
Salvarai eo cist meon fradre Karlo, si cum OM per dreit son fradra salvar dift (« je sauverai mon frère Charles, comme ON doit sauver son frère selon l’équité »)
« ON vient » veut donc dire à l’origine « un homme |quelconque] vient ». ON, à force d’être employé, s’est grammaticalisé et a perdu le sens d’« homme ». Ce faisant, sa prononciation s’est même adaptée à sa fonction syntaxique. Comme les autres pronoms personnels qui ne sont jamais accentués (« proclitiques » en jargon), ON ne porte aucun accent et forme une unité accentuelle avec le verbe qu’il accompagne.
ON est un doublet étymologique de HOMME. On est issu de HOMO, soit le nominatif ou cas sujet (logique car ON est toujours en position sujet). HOMME est issu de HOMINE(M), soit l’accusatif ou cas objet, et a conservé le sens d’origine.
Quand en français la déclinaison a disparu vers le XIVème siècle et que presque tous les cas sujets (comme ON) ont disparu, on (!) a perdu conscience que ON et HOMME étaient deux formes du même mot. ON était tellement employé qu’il est resté comme pronom impersonnel sujet. Et tout le monde a oublié que derrière lui se cachait un homme.
On a connu un énorme succès et une formidable extension de sens au fil des siècles. Sa valeur de base est celle d’un pronom indéfini renvoyant à une personne ou un groupe de personnes non-spécifiées. Cette indéfinitude fondamentale permet à ON de représenter les autres pronoms personnels :
– Je : « On fait aller »
– Tu : « Alors, on veut pas manger son yaourt ?? »
– Nous : «Je suis désolé de notre retard. On a eu une panne » (là, ON est carrément entrain de remplacer NOUS)
– vous : « Alors les enfants, on est contents ? »
– Ils/eux : « Je les ai prévenus mais on n’a pas voulu m’écouter. »

Bel exemple de masculin générique… Pour être plus inclusif, je proposerai d’introduire FEN pour remplacer ON, trop masculine quand il désigne une ou des femmes 😉 ^^
Il y a un parallèle en allemand avec la tournure « MAN (=litt. homme) hat mir gesagt »= « on m’a dit ». En revanche, MAN n’a pas la même extension de sens que ON.
HdM #50

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