
Saviez-vous que CHARABIA s’appliquait à l’origine aux Auvergnats ?
CHARABIA apparaît au début du XIXème siècle pour désigner le patois inintelligible des Auvergnats. Il est aussi attesté dès 1835 pour désigner, par métonymie, les émigrants auvergnats (comme on dit les « Weshs »).

Voici quelques citations d’auteurs du XIXème s. (source CNRTL):
La soirée de la bourrée lui a complètement tourné la tête, (…) elle parle charabia tout le temps, elle appelle les gens mouchu et mouchieu. (J. Vallès,L’Enfant, 1879, p. 268).
As-tu remarqué comme ils parlent? qu’on dirait des charabias ou des Gascons. (F. Vidocq, Les Vrais mystères de Paris, t.1, 1844, p.21)
L’origine de CHARABIA est difficile à déterminer. Il pourrait être dérivé de l’occitan CHARRAR « causer, bavarder », radical présent aussi dans CHARADE, dérivé du provençal. On cite parfois la déformation de l’auvergnat CHARA BIAN (serre-bien [ma main]) ; ou encore un emprunt à l’espagnol ALGARABIA « langage incompréhensible », de l’arabe AL‘ARABIA, qui désigne… la langue arabe. Mais cette hypothèse est peu étayée.
CHARABIA pourrait tout aussi bien être un mot onomatopéique, un mot-emblème qui rend les sonorités de l’auvergnat, une variété de l’occitan. CHARABIA, en effet, contient plusieurs traits phonétiques caractéristiques de l’auvergnat :
– la fréquence de l’affrication et des chuintantes [j] et [ch] ; p. ex. ATI « ici » prononcé [atchi]. En auvergnat, le CHA- prononcé [cha ; tcha ; tsa] et le JA- [ja ; dja ; dza] équivalent à des CA-et des GA- en occitan méridional : CHASTEL vs CASTEL, JARRIGA vs GARRIGA. C’est le trait par lequel on distingue le nord- et le et le sud-occitan ;
– la finale en -A, très courante en auvergnat. On l’a souvent dans des infinitifs P. ex. ANA(R) (dont le r a chuté) « aller » et dans des participes MONTA(T) « monté ».
Pour comprendre le succès de CHARABIA, il faut rappeler l’importance de l’émigration auvergnate à Paris au XIXème siècle et au début du XXème siècle. A l’époque, beaucoup d’Auvergnats parlaient mal ou pas du tout le français. On devait donc souvent entendre le patois auvergnat à Paris.
Aux oreilles d’un parisien l’accent, la façon de parler des auvergnats mélangeant le français et le patois devait sonner comme un marmonnement incompréhensible. Dans CHARABIA, on entend aussi un jugement dépréciatif sur les Auvergnats, êtres rustiques sans langue digne de ce nom.
C’est de ce sens spécifique qu’est issu le sens actuel de CHARABIA « langage incompréhensible ». On a un phénomène parallèle avec BARAGOUIN, issu du breton.
Dans Astérix et le Bouclier arverne, Goscigny reprend ce cliché des Auvergnats qui marmonnent et chuintent : tous les personnages Arvernes remplacent les s- par des ch-. Cha va, cha vous parait clair ?

Et n’héjitez pas à faire tourner aux Auvergnats que vous connaichez!
Histoire de mots #62

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