#82 Étymologie de grève

Quel est le rapport entre GRÈVE et GRAVIER, réunis pourtant par une même origine étymologique ? Les glissements de sens peuvent réserver bien des surprises.

En latin, GRAVA signifie le GRAVIER. Ce serait un terme lié étymologiquement à GRAVIS « lourd, difficile » – mais qui selon certains pourrait aussi être d’origine gauloise. La GRÈVE au sens d’« étendue unie de sable ou de graviers au bord d’un fleuve » a conservé ce sens d’origine.

Théodore-Joseph-Hubert Hoffbauer, « Pendaison en place de Grève et Hôtel de Ville en 1583 », 1856 https://histoire-image.org/etudes/place-greve-place-hotel-ville

Comment on est-on arrivé à « faire grève » ? Il faut revenir à Paris il y a plusieurs siècles. La Place de Grève (actuelle Place de l’Hôtel de Ville) était située sur les bords de Seine et était bordée par une étendue de gravier et de sable – une grève, où l’on déchargeait les marchandises des bateaux. C’était notamment un lieu patibulaire, c’est-à-dire un lieu d’exécution publique, d’où les sens anciens d’« aller en grève » (se faire exécuter), « ange de grève » (pendu), etc…

… mais c’était aussi sur cette Place de Grève que se réunissaient les ouvriers en attente d’embauche. En 1850 ainsi, « être en grève » signifie encore « chercher du travail », à partir de la formule « attendre l’embauche Place de Grève ».

A partir de cet emploi GRÈVE a pris le sens de « quitter l’ouvrage, cesser le travail » (1805) et de « cessation volontaire et collective du travail » dans les années 1840, à une époque où le socialisme et les revendications ouvrières se développent en France.

Jules Adler, « La Grève au Creusot « , 1899

La grève devient active (cessation volontaire de travail) et non plus passive (absence subie d’emploi). C’est une cessation de travail liée à des revendications salariales, politiques, etc. Par extension encore, le mot a pris le sens de « cessation d’activité pour une revendication », comme dans « grève de la faim ».

En somme pour comprendre l’évolution sémantique de grève, c’est comme si aujourd’hui on se mettait à dire « faire chômage » pour désigner un arrêt de travail lié à des revendications.

En France, le mot GRÈVE a connu une fortune singulière – il est rentré dans les mœurs. D’où une certaine prolifération lexicale : piquet de grève, grève générale, gréviste, gréver (Afrique de l’Ouest), etc.

Et quand les ouvriers font grève, les patrons et hommes politiques aiment à dire que les grévistes grèvent le budget de l’État.

Bonne grève !

Une réponse à « #82 Étymologie de grève »

  1. Avatar de NMdT
    NMdT

    Excellent toujours un rayon de soleil de recevoir tes analyse. tiens, je ne peux plus me connecter sur mon compte wordpress. Encore un plaisir… bien à toi

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