
Le sport est-il un divertissement ou une compétition ? L’actualité nous renvoie plutôt à la compétition et à la performance, avec la victoire incroyable de Jimmy Gressier sur 10 000m aux championnats du monde d’athlétisme de Tokyo. Mais l’étymologie nous fait plutôt pencher pour le divertissement.
Comme beaucoup d’emprunts à l’anglais, SPORT a fait un jeu de ping pong entre le français et l’anglais. Il faut partir du latin DEPORTARE (triste coïncidence étymologique avec déporter) au sens de « emporter, rapporter, exiler ». Ce mot donne DEPORT/DESPORT en ancien français, qui signifient « jeu, plaisir, consolation ». Avec sûrement l’idée de « dé-porter/déplacer » son esprit ailleurs pour échapper aux soucis.
Dans le tsunami lexical français qui inonde l’Angleterre, DESPORT est emprunté en anglais sous la forme DISPORT (XIIIème siècle). Avec une aphérèse (chute de la première syllabe) : DISPORT > SPORT. C’est un phénomène assez régulier dans les emprunts de l’anglais au français : SCHOOL de ESCOLE, SQUIRE d’ESCUYER, STRESS de DISTRESS, etc.
En moyen anglais (XI-XVème siècles), DISPORT et sa variante SPORT signifient « plaisir, divertissement, passe-temps agréable ». Le sens de SPORT comme activité physique de plein air munie de règles apparaît au XVIème siècle. Mais il s’agit d’un divertissement ludique et pas compétitif.
Le sens physique de SPORT finit par s’imposer au XVIIIème siècle, où il se réfère surtout aux courses de chevaux ou à la chasse, loisirs par excellence des gentlemen. Néanmoins, son sens ancien demeure dans des formules comme FOR SPORT « pour le plaisir, gratuitement ».
SPORT apparaît en français en 1828, en pleine anglomanie (fascination pour l’Angleterre) ; il se réfère surtout aux courses de chevaux, activité importée d’Angleterre. Dans le dictionnaire Littré (vers 1870), on lit encore : « en France on confond souvent le sport et le turf [course de chevaux] ; mais le turf n’est qu’une espèce de sport ».
Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle qu’il s’applique largement à d’autres activités physiques munies de règles et qui s’exercent sous forme de compétition : football, athlétisme, cyclisme, etc.
Le mot SPORT garde une tension fondamentale entre son sens d’origine, qui renvoie à la gratuité et au divertissement, et un sens compétitif. Cette tension s’est notamment exprimée aux débuts des Jeux Olympiques, où on autorisait exclusivement les amateurs. Le professionnalisme a fini par l’emporter. Regardez les Chariots de feu pour en savoir plus !


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