Je discutais avec un Libanais l’autre soir, qui m’a dit qu’on utilisait encore le SIGNAL dans son lycée jésuite chic francophone de Beyrouth, pour punir les élèves qui parlaient arabe. J’étais vraiment très surpris : comment ces instruments d’humiliation linguistique pouvaient-ils être encore utilisé de nos jours – ou il y a une quinzaine d’années, car il avait mon âge ?
Un SYMBOLE ou SIGNAL est un objet symbole d’arriération (panneau de bois, sabot, queue de vache etc.) que le maître fait porter aux élèves qui parlent la langue interdite pendant la récréation. Et quand un autre élève la parle, le premier le lui transmet, et ainsi de suite. Et celui qui porte le symbole à la fin de la journée reçoit une punition : châtiments corporels, lignes de dictée du genre « le breton est une langue sale », amende, etc.

Le SYMBOLE a été beaucoup utilisé en France de la fin du XIXème jusqu’au milieu du XXème siècle, dans les régions qui n’étaient pas francophones : Bretagne, Pays Basque, Alsace, pays occitans (Limousin, Auvergne, Languedoc, Gascogne, etc.), où on parlait de SENHAL, etc.
Dans les conceptions d’alors, il fallait éradiquer les patois pour faire la nation française. Les Messieurs de Jules Ferry pensaient qu’il n’y avait pas la place dans la tête d’un enfant pour le français et sa langue. Pour éradiquer les patois, ces gens-là ont pensé qu’il fallait humilier les enfants qui parlaient leur langue. Notamment par les SYMBOLES, parmi tout un arsenal de punitions et d’humiliations.

Le but était qu’en associant la langue maternelle à l’humiliation et la saleté, les enfants développeraient un sentiment de honte, VERGONHA en occitan, et cesseraient de parler leur langue, pour devenir de bons petits français. Avec les dégâts psychologiques qu’on peut imaginer.
Ce genre de posture, coloniale, face à la langue d’autrui me donne honte d’être français. La soi-disant supériorité de la langue française est une idée encore trop répandue… Et malheureusement, je constate que ces méthodes se sont exportées dans d’autres pays francophones, dont le Liban.
Les Français, atteints de monolinguite aiguë, sont les champions en la matière, mais ne sont pas les seuls. Aux États-Unis, pour humilier les enfants amérindiens qui parlaient leur langue, on a eu l’idée de leur faire avaler du savon. Pour leur faire intérioriser que leur culture et leur langue étaient sales, et qu’il fallait qu’il se nettoyent de l’intérieur.

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